ET BOVE DEVINT DEPUTE !

Publié le par ALTERS ECHOS, le journal

Comment, après l'échec cuisant de José Bové à l'élection présidentielle de 2007, le même homme peut-il, deux ans après, devenir député européen ? L'analyse de ce mystère peut nous aider à réfléchir à deux dimensions de notre vie électorale (de plus en plus différente de la vie politique) : le positionnement et le mode de scrutin.


2007 : le candidat de division

Pendant toute la campagne électorale de 2007, José Bové (et j'étais avec lui surtout au début) a tenté de faire croire qu'il était le candidat unitaire car à mi-chemin entre Besancenot et Buffet. Pour le simple citoyen, il n'y avait pas besoin de discours pour constater qu'il était un candidat en plus, par rapport aux « légitimes » candidats des autres partis (se déclarant tous plus unitaires les uns que les autres). Les arguments du genre « je suis soutenu par des personnes allant des libertaires aux communistes » devenait dans ce contexte totalement contre-productif, ce qui fait que la campagne électorale lui faisait perdre des points plutôt que d'en gagner ! Il était le dernier arrivé dans un jeu organisé, et ses luttes précédentes devenaient elles-mêmes contre-productives avec cet argument : « il faisait un si bon boulot sur le terrain social, pourquoi est-il allé se perdre dans une élection ! ».

Bref, chacun connaît le score : moins de 2% et surtout chacun connaît les suites : le néant (je n'ai jamais eu les résultats de la mission qu'entre les deux tours Ségolène confia à José).


2009 : le candidat des Verts

Voilà qu'en 2009, Bové a trouvé une case « officielle » dans le paysage politique, il est le candidat des écolos (toujours unitaire bien sûr). Il n'est plus celui qui vient briser l'ordre établi des propriétaires de la politique, il s'y inscrit totalement. Et le fabuleux de l'histoire c'est que ce positionnement n'a que faire du contenu politique ! En effet, dès 2004, aux précédentes européennes, Bové avait soutenu le candidat Vert Onesta. Bové l'opposant bien connu au TCE soutenait le Vert défenseur tout aussi connu du même TCE ! Que l'électeur y retrouve ses petits !

Dans le jeu politique classique, PS-PRG-PCF-LCR, les Verts ont fini par imposer leur place alors que Chevènement a du revenir à la case départ et se placer dans l'ombre du PS. Avec le thème « écolo » que les autres forces ont négligé les Verts sont allés à la rencontre d'un électorat plus ou moins fidèle mais sur une couleur repérable. Et même avec la vague écolo usée par les autres partis, le courant Vert arrive à jongler pour tenir la tête hors de l'eau. C'est donc ce bateau qui peut conduire Bové au poste de député.






« L'handicap » Jennar !

Tout est donc en place pour faire de Bové un député sauf qu'il y a une donnée qu'il ne maîtrise pas, l'action de ses concurrents ! Et là nous passons aux conséquences du mode de scrutin (1). Depuis 2004, l'élection se joue à la proportionnelle sur sept grandes régions et il est donc plus difficile d'avoir un élu que du temps des listes nationales. Il faut en moyenne 10% pour accéder au titre, mais avec le plus « fort reste », en 2004 Gérard Onesta a été élu avec 8%. En dessous de 10% il ne peut donc y avoir qu'un seul élu, en conséquence, si le candidat NPA arrive avant José Bové, ce dernier peut être battu ! Déjà en 2004, si le PCF avait choisi, comme l'hypothèse en fut étudiée, la candidature de Raoul-Marc Jennar, ce dernier pouvait devancer le candidat Vert (vu le score de la candidate PCF totalement inconnue) et Jennar devenait député. En 2009, si le NPA ne commet pas l'erreur du PCF en 2004, s'il accepte que Jennar conduise sa liste, José Bové va alors trouver en face de lui son principal lieutenant de 2007 ! Mais ceci étant, cette candidature NPA traîne avec elle beaucoup d'inconnus. Déjà en 2004, la liste LCR-LO prit la gifle aux Européennes malgré le bon score de Besancenot aux présidentielles de 2002. L'installation de Besancenot dans le paysage politique pourra-t-elle cette fois changer les données ? Deuxième inconnue : Jennar est très connu des milieux militants pour sa générosité et sa compétence sur toutes les questions européennes, mais dans une élection où la campagne sera très courte, comment va-t-il émerger ?

Si j'ai un conseil à donner à Bové, qu'il en fasse le moins possible car à jongler entre les positions de son allié le plus remuant Cohn-Bendit et les siennes, l'artiste risque de décevoir tout le monde ! Si par ailleurs j'ai aussi un conseil à donner au NPA : qu'il ne tarde pas trop à se lancer clairement dans la campagne (et je préfère nettement la candidature Jennar à celle de Bové).


« L'handicap » Melenchon

Il serait injuste d'oublier l'autre candidat qui peut arrêter net Bové dans sa marche à la députation. Le PCF est en train de préparer ses listes (2) et pour notre grande région les secrétaires fédéraux sont majoritairement favorables à une tête de liste « d'ouverture ». Pour traduire en langage plus clair, il s'agit d'un tête de liste qui aurait un pied à terre en Aveyron (lui aussi) et qui est devenu le dirigeant d'un nouveau parti le Parti de Gauche (PG). A l'inverse de Bové, Jean-Luc Mélenchon est un vieux routier de la politique dont il connaît bien les ficelles. Il ne pouvait quitter le PS pour se présenter à une élection en y apparaissant comme un diviseur. C'est donc naturellement que dès le départ PCF et PG annoncèrent leur alliance mais, si politiquement c'est assez simple, techniquement c'est plus compliqué. Le PCF est maître du jeu et parle donc, non d'alliance mais de « candidat d'ouverture », la décision étant renvoyée aux hautes sphères du parti. Dans le grand Sud-Ouest une liste strictement communiste se retrouvera sûrement derrière Bové et Jennar mais avec Mélenchon, autre figure médiatique, impossible de mesurer l'impact car le cas est totalement nouveau. Première donnée : jusqu'à quand faudra-t-il attendre pour connaître la décision ? Un parachutage décidé en mai pour le mois de juin (c'est le calendrier qui avait été adopté en 2004 !) c'est l'échec garanti. Or, dans une région fortement socialiste le choix de Mélenchon serait très judicieux pour mesurer jusqu'à quel point il peut attirer une part de l'électorat socialiste. Cependant son apport compenserait-il les effets négatifs de la crise interne au PCF qu'il pourrait alimenter ?


L'aide involontaire du FN

Mystère du mode de scrutin : peut-être que le FN tient la réponse aux questions posées. En 2004 il a été parmi les « petites » listes avec un élu. En 2009, il y a une guerre interne qui est la version locale de la guerre de succession interne nationale. Jean-Claude Martinez, l'élu sortant veut rester en piste mais Marine Le Pen a dans notre région son bras droit, Louis Alliot, qu'elle voudrait voir en première place. Comme il ne peut y avoir qu'un élu, Martinez menace de présenter une liste dissidente. Le FN pourrait alors passer en dessous de 6% et voilà que tout d'un coup, il y aurait place pour deux autres « petits » candidats et même peut-être trois ! Bové, Jennar, Mélechon tous élus ? Pourquoi pas ! C'est ce qui serait le mieux mais en ce qui me concerne, je n'en parle qu'en tant que spectateur parce qu'au bout du chemin nous savons, surtout pour le Parlement européen, que l'élu a été doté abusivement du titre de député. Le Parlement européen devrait intervertir son nom avec le Conseil européen : comme c'est au Conseil qu'il y a le pouvoir (avec la commission de Bruxelles), il devrait s'appeler Parlement, et comme l'actuel parlement ne sert que de conseil, il devrait s'appeler Conseil européen avec des élus qui deviendraient de simples conseillers.

                                                               17-01-2009 Jean-Paul Damaggio


(1) Résultats de 2004 : Elus PS : Kader Arif, Françoise Castex, Robert Navarro, Béatrice Patrie pour 30% ; Elus UMP, Christine de Veyrac , Alain Lamassoure pour 15% ; Elus UDF Jean-Marie Cavada, Anne Laperrouze pour 13%, 1 élu FN J-C Martinez pour 8,7% et un élu Vert Onesta pour 8,3%. Le PCF allié avec Mars avait fait 6,4% et la LCR conduite par Krivine seulement 2,5%.


(2 Je ne cache pas que je suis fatigué par des membres du conseil national du PCF (Gilles Alfonsi par exemple) qui continuent de faire comme si des listes unitaires étaient encore possibles. Marie-Pierre Vieu secrétaire fédérale des Hautes-Pyrénées, est bien placée pour lui expliquer où en sont les discussions !

Publié dans Elections européennes

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