COLLOQUE JAURES A TOULOUSE

Publié le par ALTERS ECHOS, le journal

 

Les nouvelles sucettes publicitaires de la ville de Toulouse, si propres, mobiles à souhait, furent les premières à m'annoncer que 2009, c'est l'année Jaurès. C'est donc avec intérêt que je suis allé à la journée organisée par l'Humanité le vendredi 17 avril. J'ai découvert d'abord à La Librairie de la Renaissance quelques nouveautés. Je n'ai pas résisté à l'achat du livre de Rémy Pech sur Jaurès paysan (aux éditions Privat qui savent récupérer les aides financières des collectivités territoriales). J'ai vérifié la présence d'intervenants classiques de l'historiographie communiste. Le modérateur de la deuxième série de communications eut d'autant plus raison de saluer deux absentes, Rolande Trempé et Madeleine Rebeiroux, que, sur quinze personnes qui passèrent à la tribune, il n'y avait pas l'ombre d'une femme. L'histoire serait-elle seulement un repère d'hommes ? Au colloque Olympe de Gouges de Montauban, il n'y avait que de femmes...


 

                                          Jean-Paul Scott, intervenant


Mais passons à un plat de résistance parmi bien d'autres, l'intervention de Rémy Cazals sur la grève de Mazamet en 1909 où Jaurès se proposa d'intervenir, une première fois sans pouvoir prendre la parole à cause l'opposition, et une deuxième fois où finalement il étala ses talents.

Rémy Cazals je l'ai écouté une première fois à Larrazet, il y a très longtemps, peu après la première édition de son livre sur les dites grèves paru chez Maspéro et j'ai toujours aimé sa façon de présenter l'histoire. Mais après l'avoir écouté dans un colloque à Nérac, je veux m'étonner du même raccourci présenté à Toulouse pour expliquer le fait qu'à Mazamet l'environnement soit si peu socialiste dans un département où Carmaux fait figure de référence du parti socialiste.

A chaque fois, Rémy Cazals prévient : « c'est un peu compliqué ». Pour une historiographie mythique de la classe ouvrière, que des ouvriers conduisant une forte grève soit des électeurs de droite, j'en conviens c'est un peu compliqué. Rémy Cazals explique donc : une petite ville, des conditions de travail très dures, un baron de choc (Reille) pour conduire le combat réactionnaire avec l'appui de l'église, et des patrons protestants républicains. Carmaux diffère par un seul point : c'est aussi une petite ville, avec un travail pénible et des arguments de choc de la réaction mais le marquis de Solages lié au Baron Reille est à la fois, le réactionnaire et le patron. Alors qu'à Mazamet le Baron est un héritier de l'aristocratie féodale qui peut détourner du vote républicain des gens du peuple qui associent « république et patronat de choc ». Dans ce tableau de Cazals que je résume tout est juste. Avec une donnée absente : Mazamet se mobilisa pour défendre la République en 1851 (Rémy Cazals en parle lui-même dans son livre) en conséquence pourquoi ce qui fut vrai entre 1848 et 1851 ne l'est plus sous la troisième république ? Entre-temps le catholicisme social des quarante-huitards a été éradiqué par le Second Empire ce qui fait que la Troisième république, à Mazamet, s'est seulement retrouvée entre les mains des patrons-bourgeois. Et le catholicisme de combat a pu conserver sous sa coupe des hommes et des femmes qui, avant 1851, avait compris que la République sociale ça pouvait être chose que la fausse république imposée sur la ville par les patrons protestants. Je parle du catholicisme social éradiqué en y englobant toute une vie sociale qui va avec. En 1848 l'occitan populaire pouvait être républicain ce qui ne fut pas le cas entre 1870 et 1890 (par réaction à l'usage populiste produit par le Second empire) même si Jaurès sut développer petit à petit une action et une pensée salutaire sur ce point. Et c'est là qu'on retrouve tous les mérites du Jaurès Paysan de Rémy Pech.

Cette observation n'est pas celle d'un historien pinailleur, à l'heure où les questions religieuses relèvent la tête. J'entends souvent : « à propos du catholicisme on différencie théologie de la libération et Opus Dei, alors pourquoi ne pas faire de même pour l'islam ? » Comme si toute religion avait naturellement une dimension sociale face à une dimension autoritaire ! Après l'éteignoir du Second empire, le catholicisme social relèvera la tête en France quand la République s'opposera fermement aux cléricaux. Il passera le relais à l'Amérique latine mais en vivant toujours sous les coups très durs des cléricaux. Il est plus exceptionnel que naturel. Le brouillage des questions sociales par les questions religieuses (typique du capitalisme féodal d'aujourd'hui) était la hantise de Jaurès. Mais pour le moment restons-en là.

                                                                            20-04-2009 Jean-Paul Damaggio

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