UNE NOUVELLE AGRICULTURE POUR NOS TERRITOIRES ? ...

Publié le par ALTERS ECHOS, le journal


En page IV du numéro 16 consacré aux "Révolutions silencieuses", Emile Guiral nous expose les nouvelles mesures d’accompagnement à l’installation agricole.


Ci-dessous, vous trouverez des éléments complémentaires dans son texte plus développé.

 

 

Dans un monde en pleine mutation, technologique mais aussi sociale, l’agriculture, comme tous les autres secteurs économiques, doit s’adapter à ces évolutions afin de répondre au mieux aux attentes des habitants de chaque territoire. Ces attentes ne sont plus d’ordre essentiellement quantitatif, comme dans l’après-guerre, mais revêtent un caractère plus qualitatif lié aux préoccupations de la société du XXIe siècle : qualité sanitaire et nutritive, respect de l’environnement, transparence et équité, relations sociales entre producteurs et consommateurs

A ces nouvelles attentes, viennent s’ajouter d’autres facteurs déterminants pour l’avenir de l’agriculture, dont le vieillissement de la population agricole active, en particulier, et son difficile renouvellement. En effet, aujourd’hui, la politique d’aide à l’installation agricole ne parvient plus à enrayer la chute du nombre d’exploitations : on compte une installation pour deux départs.

Parallèlement, on observe une mutation du profil et des projets des candidats à l’installation. Les différentes études confirment l’importance des installations « hors cadre familial » et leur rôle dans le renouvellement des générations agricoles. Ces « hors cadre » ont majoritairement des projets d’installation sur de petites fermes, le plus souvent en maraîchage biologique avec un circuit de commercialisation basé sur les circuits courts. Plusieurs facteurs favorisent ce type de projets :

-          une demande de la part de la société d’une agriculture respectueuse de l’environnement, durable et offrant des produits de qualité ;

-          un segment de marché de proximité des produits alimentaires de base en pleine expansion, et notamment dans les zones périurbaines ;

-          des besoins en moyens de production bien moins élevés pour des petites fermes en maraîchage que pour des exploitations plus importantes en polyculture élevage (surfaces, équipements, bâtiments) ;

-          la présence d’associations et d’organismes présents sur le territoire qui portent les valeurs liées à ces installations et à ces transmissions ;

-          une remise en cause du système agricole intensif, de part son impact sur l’environnement et sa forte consommation énergétique.

 

Mais ces nouveaux candidats à l’installation agricole, qui n’ont pu bénéficier de la transmission, ni du foncier ni du savoir faire de leurs ascendants, sont confrontés à de nombreuses difficultés :

-          un accès au foncier difficile du fait d’une pression foncière, alimentée par la concurrence avec d’autres usages non agricoles ;

-          un accès au logement difficile lorsque les cédants gardent les bâtiments d’habitation ou spéculent sur ces biens ; phénomène exacerbé par un bas niveau des retraites agricoles qui pousse les cédants à valoriser au mieux leur capital au détriment d’une pérennisation de l’outil de production à travers une installation ;

-          en plus d’une formation théorique indispensable, ils doivent très souvent passer par un long apprentissage afin d’acquérir les fondamentaux non transmis par la culture familiale ;

-          un manque de références techniques et économiques pour juger de la faisabilité de certains projets et donc une difficulté à justifier la viabilité de leur projet auprès des financeurs et des organismes d’aide à l’installation ;

-          une représentation négative de certains projets jugés marginaux de la part du monde agricole en général, qui est particulièrement handicapante dans le contact avec les cédants ;

-          une vision fataliste de certains cédants qui pensent que leur exploitation n’est pas transmissible et ont du mal à envisager une modification du système de production de l’exploitation.

 

De nouvelles mesures d’accompagnement à l’installation agricole essayent de prendre en compte ces nouveaux porteurs de projet à travers : le PII (1) et le PPP (2)  mis en place en 2008-2009 qui concernent aussi les « hors cadre », les aides régionales à l’installation progressive, les aides dans certains départements pour les plus de 40 ans. Les différents OPA (3) (ADASEA (4), ADEAR (5), centres de formation agricole…) se mobilisent pour répondre au mieux à ces nouveaux candidats ; le travail de l’association « Terres de Lien » pour réunir des fonds, acquérir du terrain et le mettre à disposition de ces candidats, participe fortement à développer de nouveaux projet agricoles. Malgré tout, les difficultés demeurent et font que de nombreux projets peinent à se concrétiser et découragent parfois les candidats à l’installation, alors que paradoxalement : on assiste à une demande croissante et durable non satisfaite, de produits alimentaires de qualité et de proximité ; et que des espaces agricoles se libèrent sans réelle perspective de repreneur.

 

Face à cette inadéquation qui impacte de plus en plus fortement différents territoires ruraux mais aussi périurbains, certains élus et acteurs du développement local se mobilisent pour inscrire l’agriculture dans une nouvelle dynamique territoriale :

-          en constituant des groupes de travail et de réflexion autour de cette problématique ;

-          en créant des outils de professionnalisation adaptés à ces nouveaux porteurs de projet ;

-          en mettant en place une gestion concertée des espaces dédiés à l’agriculture, afin de faciliter l’accès au foncier ;

-          en facilitant l’accès au logement pour les porteurs de projet ;

-          en participant à, ou du moins en facilitant, l’organisation et la structuration de la filière en amont (mise en place de la production) et en aval (distribution : AMAP (6), marchés de plein vent, restauration collective…)

Une réponse particulièrement adaptée à cette problématique commence à voir le jour sur de nombreux territoires avec des projets de création d’espaces test agricoles fonctionnant sur le principe des couveuses d’activité permettant aux personnes ayant un projet d’installation en maraîchage de tester en grandeur réelle leur capacité à produire et à vendre, dans le cadre protégé d’une sorte de « ferme école », appelée « espace test », les hébergeant sous statut d’entrepreneur – salarié ou sous Contrat d’Accompagnement au Projet d’Entreprise (CAPE).

Ce principe de couveuse ou coopérative d’activité, qui fonctionne depuis plus de dix ans hors secteur agricole et a fait la preuve de son utilité, demande à être adapté de manière expérimentale aux spécificités de l’agriculture :

-          avec deux possibilités d’utilisation du foncier, la première « in situ » sur un espace test dont le terrain est, la plupart du temps, mis à disposition par une collectivité, et la seconde « ex situ » sur des terrains appartenant aux futurs agriculteurs, « mis à disposition » de la couveuse pendant la durée de leur hébergement,

-          en utilisant le temps d’hébergement au sein de la couveuse pour identifier (en partenariat avec les organisations agricoles) les possibilités d’installation à la sortie (terrain, matériel…),

-          en construisant des circuits commerciaux (approvisionnement de restauration collective, AMAP, magasins de producteurs…) qui permettent une montée en puissance des débouchés pour les personnes qui s’installeront à la suite de leur passage dans la couveuse.

 

Les atouts de cette phase de test pour un candidat à l’installation « hors cadre » sont évidents : la confrontation à la réalité professionnelle sans prise de risque, la mise à disposition d’un outil professionnel pour se tester, l’accompagnement au quotidien pour acquérir des savoirs faire, un environnement professionnel propice à l’ancrage territorial facilitateur d’accès au foncier ; dans ces conditions, l’espace test devient un véritable accélérateur de professionnalisation .

 

L’association « A Petits Pas » créée en 2005 à Ruisseauville dans le Pas-de-Calais a structuré la première couveuse d’activité agricole ; depuis, d’autres initiatives voient le jour avec plus ou moins de difficultés sur les différents territoires et si les projets sont multiples, ils peinent parfois à aboutir par manque de volonté politique locale. En effet, un projet d’espace test agricole ne peut se concrétiser que si une collectivité territoriale (le plus souvent une Communauté de Communes) facilite son émergence, en réunissant tous les acteurs du développement agricole local autour du projet et en apportant sa caution politique.

 

En Midi-Pyrénées, une couveuse d’activité agricole est en cours de création à Maubourguet sur la Communauté de Communes du Val d’Adour (65) et un projet est en cours d’étude sur la Communauté de Communes du Saint-Affricain (12). Il importe de noter que ces nouveaux outils ne viennent pas concurrencer mais bien compléter la panoplie déjà existante et mise en œuvre par les différents OPA .

 

Pour plus d’infos :

 

Emile GUIRAL

SCOP SAPIE

06 28 23 00 33

09 64 00 11 56

eguiral@sapie.coop

 

(1) Point Info Installation, généralement situé à la chambre d’agriculture

(2) Plan de Professionnalisation Personnalisé, structuré par département autour des différents OPA

(3) Organismes Professionnels Agricoles

(4) Association Départementale pour l’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles

(5) Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural

(6) Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne

Publié dans Agriculture

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