N° 38 : "Les vacances "
Dessin : Patrick Lacan
**EDITO**
--Des vacances, oui… Pour quoi faire ?--
Aujourd’hui, dans l’imaginaire des gens, les vacances n’existent que parce qu’il y a, le reste du temps, le travail… L’histoire des vacances se confond souvent avec celle des congés payés. Pourtant la notion de vacances date. Déjà les Romains fuyaient Rome l’été se mettre au frais… C’était le « farniente » (ne rien faire…). Plus tard ce sont les religions qui incitent au repos hebdomadaire. Là c’était pour « la bonne cause », pour prier. Et prier, au Moyen Âge, dans les trois grandes religions monothéistes peut pousser à un repos assez conséquent (plus que celui hebdomadaire) quand il s’agit d’aller vénérer un saint ou un lieu sacré. Ce sont les premiers voyages (pas de tout repos quand même !) hormis les marchands depuis la nuit des temps. Après, donc, les « voyages d’affaires » datant de plusieurs millénaires, les pèlerinages un peu plus récents (pèlerinage vient du latin peregrinatio qui signifie « voyage à l'étranger »), vint le temps de la généralisation et l’essor des thermes puis celui des stations balnéaires, époque qui peut réellement correspondre aux « premières vacances ». Dès lors avec l’engouement du tourisme au XIX ème siècle, les vacances n’échapperont pas – plus ! – aux inégalités (les Romains ne se retrouvaient toutefois pas tous sur la via Flaminia à créer des bouchons pour gagner la fraîcheur… !). Cette inégalité croissante et constante face aux vacances fut heureusement freinée par les conquêtes sociales des années 30 chez nous et les congés payés. Mais le consumérisme de masse, exponentiel depuis les années 50, fera des vacances un produit comme une autre, en générant une sorte d’égalitarisme devant les vacances grâce aux congés payés laissant croire à une véritable égalité qui devrait, par essence, ne pas concerner que les vacances mais bien tous les pans de la société : « le capitalisme pour faire son profit se doit d’écouler ce qu’il a produit en masse et pour cela il a besoin de consommateurs maladifs » (lire Thibault Calmus, page 3)
Aujourd’hui, en France, 71 % des cadres supérieurs partent en congés chaque année, contre 41 % des ouvriers. 1/4 des enfants ne part pas en vacances. C’est le cas pour 5 % des enfants de cadres supérieurs contre 34 % des enfants d’ouvriers et 50 % des enfants des familles les plus modestes. Quant aux handicapés, seul 1/4 âgé de 20 à 59 ans ne part jamais ou presque jamais en vacances… Des associations prennent en charge ces oubliés des vacances (lire le Secours Populaire, page 9).
Les inégalités étant toujours croissantes ici mais aussi entre le Nord et le Sud, les vacances n’échappent pas à la règle. Le tourisme de masse fait des ravages environnementaux et sociaux dans les pays hôtes ayant tendance à encore accroître les inégalités entre ceux qui « se frottent » aux touristes et les autres. La mondialisation accélère les dégâts. Certaines régions ou certains pays, n’ont comme seule barrière face au déferlement de touristes que des taxes et des droits d’entrée extrêmement élevés. C’est alors un tourisme élitiste… ! Doit-on choisir entre la République Dominicaine et le Bouthan ? Ou les Maldives, où pour des raisons « culturo-religieuses » certaines îles sont interdites aux étrangers ? Ne manquez pas de lire dans ce numéro deux textes très instructifs sur ces questions : celui de Renaud Duterme, pages 6 et 7 et celui de l’association Survival, page 8.
Mais plutôt que de raisonner en termes de vacances, revenons peut-être à l’essence du temps libre avec l’étymologie de « vacances » que rappelle Thibault Camus : « vacare ». « Le temps du « vacare » est un temps vide ». Ce que semble penser Jean Falco, page 3 : et si « le temps libre pour tous devenait l’un des horizons de sociétés modernes et sobres ? ». Avis partagé par Sophie (page 2) : « La rupture d’un quotidien ne serait-il pas dans la flânerie ici ou ailleurs ? » cette question d’André Breton me ravit face à cette mascarade du « profite » !
Bonne lecture d’Alters Echos en vacances… ou au travail...(?)
Alters Echos
DOSSIER : " LES VACANCES "